Sunday, November 27, 2005

Malgré son boom, la consommation des ménages contribue faiblement à la croissance en Chine

SHANGHAÏ CORRESPONDANT

La consommation des ménages en Chine est au coeur d'une révolution proche de ce qu'ont connu les Tigres asiatiques dans les années 1980-1990 : sevrés pendant des années, les Chinois, aujourd'hui, se "lâchent". Très convoité, le marché chinois est le lieu d'une surenchère marketing qui n'a pas eu d'équivalent dans l'histoire du capitalisme : les sociétés du monde entier convergent en Chine pour y promouvoir leurs produits et les vendre. L'offre s'y développe dans une telle proportion et à une telle vitesse qu'elle pourrait dépasser les capacités d'absorption actuelle du marché — comme c'est le cas dans l'automobile, devenue emblématique des risques de surchauffe : la capacité du secteur pourrait atteindre 20 millions d'unités en 2010, alors que les ventes, de 5,5 millions cette année, risquent de ne pas dépasser 9 millions dans cinq ans.


L'évolution de la demande pour les biens de consommation est surtout impressionnante parce qu'elle a démarré très bas et que les volumes sont significatifs. De 1997 à 2003, d'après une étude récente du cabinet Deloitte, la consommation totale des ménages a ainsi augmenté de 64 %. Mais, sur la même période, la consommation de produits alimentaires et de vêtements n'a grimpé que de 41,2 % et 22 % respectivement.

En revanche, les Chinois ont consommé 90,8 % de plus de produits durables. Pour le transport, la hausse est de 111,8 %. Ces chiffres reflètent le tropisme des consommateurs pour les produits électroniques — il y a désormais 350 millions d'usagers du téléphone portable. Les ventes automobiles, elles, ont crû de 318 % — mais sont retombées à 12 % cette année.

Comparée aux performances de l'économie en général — 9,5 % par an pour le produit intérieur brut (PIB) —, la consommation des ménages reste encore le parent pauvre de la croissance : elle n'a représenté que 42 % du PIB en 2004, et probablement moins en 2005. "D'après nous, la structure politique existante en Chine, la distribution inégale de la richesse et des revenus, sont implicitement défavorables à la consommation. Les exportations et l'investissement ont une part de plus en plus importante du PIB, tandis que la croissance de la consommation est en train de passer derrière celle du PIB nominal", notaient fin octobre, dans leur analyse en ligne, les économistes de Morgan Stanley.

Bref, au lieu d'alimenter la croissance, la consommation privée se nourrit en partie des excès du surinvestissement en capacités de production et en infrastructures (la bulle immobilière, par exemple, gonfle la demande en meubles et en équipement dans les grandes villes).

L'une des évolutions structurelles appelée à doper la consommation en Chine est la modernisation de la grande distribution à la faveur de l'arrivée des groupes étrangers.

Mais, pour que la Chine entre réellement dans l'ère de la consommation, il faut aussi que les bonnes politiques soient mises en oeuvre. Les économistes de Morgan Stanley identifient plusieurs transitions essentielles pour les années à venir. Il s'agit d'abord des facteurs qui permettront d'augmenter le revenu disponible de la population, comme la privatisation des actifs contrôlés par l'Etat — surtout les terres — et l'urbanisation d'une partie des 800 millions de paysans chinois.

Deuxièmement, la mise en place d'un système de santé et de retraite (en pratique, les Chinois sont dépourvus de couverture médicale) est indispensable pour, d'une part, pousser les consommateurs chinois à moins économiser, et, d'autre part, en captant des fonds publics, contribuer à freiner le surinvestissement de l'Etat dans les infrastructures. Enfin, la continuation des réformes et de l'ouverture aux étrangers dans le domaine bancaire doit permettre de généraliser le crédit et de le rendre plus performant.

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 22.11.05


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