Friday, October 14, 2005

L'enfant unique chinois devient-il un étudiant suicidaire ?

L'enfant unique chinois devient-il un étudiant suicidaire ?
LE MONDE | 14.10.05 | 13h26 • Mis à jour le 14.10.05 | 16h40
Pékin de notre correspondant


Le monde universitaire chinois s'alarme : depuis le début de l'année, plus de quinze jeunes se sont suicidés dans les grandes universités de Pékin. L'université pékinoise Beida propose désormais à ses étudiants de pouvoir consulter gratuitement l'un des six "psy" mis à leur disposition depuis la rentrée.



Zhao, un étudiant de la faculté Qinghua, l'une des plus prestigieuses de la capitale, a des mots cyniques en désignant l'un des bâtiments du campus : "Ici, c'est la maison des suicidés. Voyez ces fenêtres : à gauche, on saute pour cause de chagrin d'amour ; à droite, pour d'autres raisons. Reste aux passants à chercher les traces de sang..."

Dérives "à la japonaise" d'étudiants craquant sous le poids de trop fortes pressions ? Ce n'est que l'une des explications avancées. Selon un rapport de l'unité de recherche psychiatrique qui travaille sur la santé mentale des étudiants pékinois, plus de 60 % de ces derniers souffriraient de problèmes psychologiques de "niveaux variés", et cette proportion "ne cesse de s'accroître".

Les causes ? Yumeng ("la mélancolie") est invoquée par certains experts, qui avancent quelques explications sur les raisons premières de ce haut mal de l'âme : "L'enfant unique !" La dure politique du planning familial imposée par les autorités depuis la fin des années 1970 afin d'éviter le cauchemar d'une explosion démographique aurait rendu les jeunes "égocentriques" durant leur prime jeunesse, puis obsédés par "l'idée de se libérer de leurs parents" alors qu'ils sont mal préparés à rentrer dans la vie adulte.

Un professeur de psychologie pékinois, Hou Yubo, affirme au Monde que "la concurrence au niveau des études et la disparité croissante de revenus entre étudiants issus de familles aux origines sociales variées frustrent les uns par rapport à l'opulence des autres". Lui aussi met l'accent sur les conséquences de l'enfant roi : "Les Chinois pouvaient autrefois se replier sur des valeurs familiales et vivaient en groupe. L'individualisation croissante de la société déstabilise d'un coup ces enfants seuls, mis en situation de compétition à l'université après avoir été adulés par leurs parents."

Partout des adolescents mettent fin à leurs jours sur la planète. Mais ici, parce que c'est un phénomène relativement nouveau, on en vient à décrire cette tendance comme un revers de la médaille du "miracle" chinois.

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 15.10.05

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